La mort vous salue bien

 

Donner la parole à la mort qui “en a gros sur la patate”, c’est plutôt insolite, mais tellement intéressant.

 

En France, tel Voldemort, je suis cette chose dont on ne doit pas prononcer le nom. Je le comprends dans une certaine mesure : je provoque souvent des larmes chez celles et ceux qui restent.

Il y a aussi des injustices dont on ne comprend pas la logique. Hélas, je ne suis nullement maître des peines que vivent les gens. Si je pouvais rendre les choses plus douces, croyez-moi, j’arriverais quand il faut, comme il faut, et sans heurt.

Ce que je vous demanderai ici, c’est d’écouter ce que je souhaite exprimer. Il est rare qu’on me donne vraiment la parole, et sur ce blog, j’ai la chance de pouvoir m’en donner à coeur joie !

Avant toute chose, sachez que je trouve injuste d’avoir un statut équivalent à cette vieille tante acariâtre, une “tatie Danielle”, que personne n’a envie d’inviter. 

Je distille un certain malaise dès que j’entre dans la conversation. Souvent vous m’évitez, et la plupart du temps, vous faites comme si je n’allais jamais arriver.

Mais à force de vouloir me tenir à distance, vous oubliez parfois que je fais partie de la vie. Si vous avez la possibilité d’ouvrir vos chakras, comme pourraient le dire les coachs de développement personnel, je crois que, avec un peu de lucidité, vous me percevrez non comme un ennemi, mais davantage comme un rappel à l'ordre : celui de vivre pleinement jusqu'au dernier moment et même au-delà !

L’héritage de vos ancêtres

Je suis aussi vieille que la Terre. Depuis la nuit des temps, j'emporte tout sur mon passage. Les dinosaures, les pharaons, les rois de France, je les ai tous connus, sans oublier vos ancêtres. Je suis ainsi fait, vous le savez et pourtant, vous ne cessez de vous étonner quand vous me croisez dans votre existence.

Mais récemment, j’ai croisé Emmanuelle, une femme qui n’a pas peur de moi. Depuis toujours, dans sa famille, on parle de moi sans tabou, au détour d'une conversation ou autour d'un café. En somme, je fais partie des meubles, je suis comme une vieille copine qui a toujours été là.

Récemment, elle s'est intéressée à son héritage culturel, à son histoire familiale. Une plongée qui l'a amenée à s'interroger sur ce qu'on laisse, ce qu'on transmet. 

Plus encore, elle a découvert que sa décontraction sur le sujet n'était pas si commune. Comment était-il possible que la mort soit un sujet si tabou ? Elle n'en revenait pas.

Pourquoi, pour le commun des mortels, moi, la mort, je suis si difficile à regarder en face, alors qu’elle fait partie de chacune de vos histoires ?

Elle a donc eu cette générosité de plaider ma cause en mettant en avant mes bons côtés. En effet, je suis l’occasion pour chacun de se demander ce qu’il a envie de transmettre à ses enfants - histoire et valeurs - au-delà de l’héritage des comptes en banques, de l’immobilier ou des dettes pour les moins chanceux.

J’en suis persuadée, votre façon de partir peut en dire long sur ce que vous avez été. Pour une dernière fois, vous aurez la parole. Cela serait bien dommage de ne pas en profiter !

Trois morts, trois ambiances (spoiler, je préfère la dernière !)

Je me souviens de Juliette dont le père est parti soudainement dans un accident de voiture. Il est clair que le destin a frappé alors que personne ne s’y attendait. Néanmoins, quel embarras j’ai ressenti pour elle et pour mon client. C’est en effet la belle-mère qui a organisé le jour fatidique : enterrement religieux et solennel, avec en prime une ambiance sinistre. Un décalage total avec ce qu’était le père de Juliette qui a eu l’impression d’enterrer un inconnu.

Il y a aussi Nadia qui a été aidante de son père qui a souffert d’une saloperie de cancer. Entre les traitements et les allers retours à l'hôpital, les inévitables funérailles n’ont pas été préparées. Nadia, avec culpabilité, en a voulu au défunt qui n’avait laissé aucune directive : elle a dû gérer le financier et l'administratif, sans jamais savoir si elle avait fait les bons choix pour l'enterrement de l’une des personnes qu’elle aimait le plus au monde.

Puis, dernier souvenir en date, la fratrie Josselin, dont la mère estimait que : “Les enterrements, c'est comme les mauvais films : toujours trop longs, souvent sur joués, et on sait d'avance comment ça va finir." (citation de  George Burns). Cette femme pleine d’humour avait donc pris le taureau par les cornes : elle m’avait acceptée et avait tout prévu. 

Le cercueil, l’organisation, le financement, les musiques, le buffet et sa tenue. Un peu comme quand on organise une soirée à thème. Les frères n’ont eu qu’à se concentrer sur leur deuil et l’hommage à lui rendre. Certes, il y a eu des larmes, mais aussi des rires et un bon souvenir de ce malheureux moment.

Je vais vous révéler le fond de ma pensée. Je me dis que la fin de vie est assez compliquée comme ça pour ne pas emmerder les vivants avec la logistique d’un enterrement décevant. Vous méritez mieux que cela et ceux qui restent méritent mieux également.

En France, je suis sinistre, ailleurs, je suis célébrée

Autant, j’aime la France pour son art de vivre, la bonne bouffe, les dîners qui durent 4 heures, les vins, le besoin de privilégier la vie personnelle. Autant le rapport que vous entretenez avec moi est catastrophique. J’ai même l’impression que je suis une sorte d’ancien amant dont vous avez honte (oui, je vous vois rougir !).

Pourtant, dans d’autres cultures, je suis un événement de célébration. Vous dire que les gens sont impatients de me voir serait exagéré, mais disons qu’ils m’accueillent avec un certain engouement.

Dans le berceau du jazz, à la Nouvelle Orléans, les hommages se font en musique. Le cercueil est transporté, de l'église au cimetière, par un cortège festif. Famille, orchestre qui fait sonner trompette et trombones, amis, voisins. Tout le monde est convié et même les inconnus peuvent se joindre à la mêlée. 

Au Ghana, on a les FAV (Fantastic Afterlife Véhicule),  des cercueils peints et ornés conçus sur mesure à l'image de chaque défunt. Ce sont des objets de toutes formes, représentant la personne à qui on rend hommage : aigle, smartphone, barque, sirène. La conception de ces cercueils relève d'un véritable talent artisanal et créatif. On est très loin des boîtes en sapin laides à pleurer !

Dans le pays de Dracula, en Roumanie, je suis subjuguée par les couleurs qu’on me donne au cimetière de Sapanta. Enfin, des stèles colorées ! Le portrait de chaque défunt est sculpté en bas relief et accompagné d'une épitaphe digne de ce nom qui représente le tempérament de la personne. Un tableau honnête et parfois drôle “Attention de ne pas réveiller la mégère” qui change des tristes messages impersonnels “À notre père” ou “En mémoire de notre mère.”

Néanmoins, en France, j’ai pu apercevoir que certains avaient envie de se réconcilier avec moi : cercueils personnalisables, épitaphes rigolotes “Mourir est vraiment la dernière chose à faire” ou “Enfin tranquille”, et Mémograff, l’initiative de mon amie Emmanuelle qui vous aide à prendre part à la fête en choisissant vous même les détails de votre dernière soirée. Quitte à être l'invité d'honneur, autant que la fête soit à votre image !


Ce que moi, la mort, j’ai à vous dire

J’ai parfois envie de crier “profitez à fond”, mais vous ne m’entendez pas. Chantez, dansez, riez à gorge déployée, savourez les plats que vous adorez, aimez aussi, pleurez pour les bonnes personnes, ne laissez pas la morosité vous gagner. Le temps est une denrée fragile à ne pas gaspiller.

Quant à moi, je ne fais que passer. Je n’ai pas une personnalité figée. En fait, lors des dernières cloches qui sonnent, je ne suis que le reflet de ce que vous avez été, de ce que vous êtes et de qui vous serez pour ceux qui vous survivront.

Je me dis souvent qu’il est tragique - moi qui vois défiler la richesse de vos vies - que tant d’entre vous partiez dans un murmure, presque à reculons, comme si ma simple présence était une faute de goût. 

Alors qu’au fond, je ne suis qu’une étape : la dernière de votre voyage, et parfois le début d’un autre pour les vivants. Et à ce titre, rien n’est plus précieux que de continuer à vivre dans les mémoires, les histoires, les éclats de rire. C’est là que vous demeurerez vraiment.

Quant à moi, je vous laisse tranquille aussi longtemps que possible, et c’est sincère. Avant que nos chemins ne se croisent (très tard, je l’espère), laissez-moi vous confier ce secret que vos ancêtres murmurent encore quand je les rencontre : “Aimez la vie à chaque instant, jusqu’à la fin” et j’oserai ajouter “et soyez grandiose lors de votre sortie”.



Après 16 ans ans dans la communication, Emmanuelle décide de devenir voix off.

Ce qu’elle a toujours aimé à travers ces métiers, ce sont les petites et les grandes histoires. Celles du quotidien, comme celles qui bouleversent une vie.

C’est en tendant l’oreille qu’elle s’est aperçue du grand tabou qui règne autour de la fin de vie.

En bonne communicante, elle a donc décidé de s’attaquer à ce sujet qui nous concerne tous : la mort.

Comment ? En proposant des outils pour l’apprivoiser et se l’approprier.

C’est ainsi qu’est né MemoGraff et son livret de volontés funéraires. Un outil pour communiquer ses choix (cérémonie, tenue, playlist…), car qui de mieux placé que soi-même pour savoir ce que l’on souhaite réellement (ou non).

Un moyen d’être célébré selon nos choix et de soulager nos proches.

On peut retrouver Emmanuelle à l’occasion d’ateliers ou d’interventions à travers lesquels elle informe et invite à libérer la parole, toujours avec sourire et bienveillance.

Parce que la mort est un sujet comme un autre.

Retrouvez là par ici https://www.memograff.fr/ ou par là : https://www.instagram.com/memograff_after.life/


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