Témoignage d’une mère à ses filles
Je vous propose ici dé découvrir un extrait d’une biographie que j’ai écrite avec une cliente. Cette dernière m’a autorisée à dévoiler une part de son âme et de son histoire.
Aujourd'hui
J’ouvre un œil, puis l’autre. Il est 9 heures du matin. J’entends les gouttes de pluie cogner sur ma fenêtre. J’aime cette sensation du moelleux de ma couette alors que la météo n’est pas favorable.
Puis, je me souviens que c’est aujourd’hui que j’ai 70 ans, et pas tout à fait toutes mes dents ! Mais, je suis heureuse, je suis apaisée et parfois un peu fatiguée, c’est vrai. Certes mon arthrose me rappelle que même si mon âme reste jeune, mon corps, lui, assume les années qui ont passé.
Malgré tout, je suis en forme et plutôt “bien conservée pour mon âge” ! Et c’est un sacré privilège d’aller bien, alors même que je vois certains de mes amis malades ou endurer une vieillesse qui ne les épargne pas. Tout de même, ce que c’est pénible de vieillir !
Je choisis donc cette période où tout va pour le mieux, pour moi, pour écrire ma biographie, mon histoire, mes pensées. Pour vous mes 2 filles magnifiques et mes 3 petits-enfants. Et pourquoi pas les petits-enfants de mes petits-enfants.
Pourquoi cette démarche entreprise “en cachette” ? Parce que j’ai toujours aimé transmettre. Lorsque je faisais de l’aide aux devoirs quand j’étais adolescente. Que je donnais des cours de français lorsque j’avais 20 ans. Que j’aidais mes jeunes collègues à trouver leurs marques.
Puis, j’ai adoré vous apprendre à cuisiner mes lasagnes, le gâteau au chocolat (ou au beurre) de mamie, à apprécier la musique classique “ de vieux”, à découvrir la beauté des langues et de la couture, même si ce dernier point fut un échec cuisant ! Je souris, et je ris, à l’évocation de chacun de ces souvenirs.
Je ressens ce besoin de transmettre mon histoire, car j’aurais adoré que mes propres parents me laissent un témoignage de leur époque et un bout de leur âme. Puis, pour être honnête, sans doute ai-je peur d’être oubliée ? Je me dis que tant que mon histoire sera transmise, je vivrai un peu pour l’éternité. Et qui sait ? Peut-être ferez-vous pareil pour vos propres enfants ?
Bonne lecture mes chères filles (et la descendance, que dis-je la dynastie XXX), j’espère que mon cadeau vous plaira.
Enfance
Je ne vous apprends rien, je suis née à XXX, une petite ville comme il y en avait des milliers en France. À l’époque, tout respirait l’insouciance. Mes parents laissaient leur voiture ouverte, que ce soit en ville ou devant la maison, et personne n’y voyait là une prise de risque. Les enfants jouaient dans la rue sans surveillance, allaient à l’école à pied, parfois seuls, souvent à plusieurs, en riant, en traînant, en galopant. Il y avait une forme de légèreté dans l’air, une confiance naturelle entre les gens, qui, je crois, a disparu depuis.
Je me rappelle de cette époque avec mes yeux de petite fille. Le monde me paraissait vaste et doux, constitué de plaisirs simples : un goûter au chocolat, les genoux écorchés, une marelle dessinée à la craie. La plupart du temps, nous étions dehors, dans le jardin. Même la pluie ne nous arrêtait pas !
Puis, il y avait les événements qui nous mettaient des paillettes dans le ventre : voir la mer à Cannes une fois par an après un périple de 10 heures en voiture, la première télévision et se dire qu’un jour “nous aussi on prendrait l’avion”. Oui, en l'écrivant, j’ai bel et bien l’impression d’être d’une autre époque, une sorte de dinosaure qui se promène avec un iphone (prononcé “aie”phone et non “I”phone, j’ai retenu la leçon !).
J’ai joué à la poupée jusqu’à un âge qu’on dirait aujourd’hui “trop tard”. Mais à l’époque, personne ne jugeait. Je sautais à la corde, je faisais des cabanes avec les garçons du quartier dont l’un d’entre eux m’a donné mon premier baiser. Je portais une frange à la Mireille Mathieu et des jupes à carreaux, et je me sentais libre et invincible.
Jusqu’à mes 11 ans, mon enfance a été merveilleuse. Vos oncles, mes frères, étaient des amours avec moi. J’étais la seule fille de la fratrie, et ce statut me valait une place à part. Je n’étais ni mise à l’écart, ni traitée comme une princesse : j’étais aimée. Et cet amour-là, brut m’a forgée : je n’ai jamais accepté qu’on me traite mal ou qu’on me méprise.
Les seules choses qui me faisaient peur à l’époque ? Le fameux martinet, auquel nous avions coupé les franges, que je n’ai jamais eu l’occasion de croiser. Se prendre des tartes ou des baffes était assez courant à l’époque ! Les temps ont bien changé : même si mes parents n’ont jamais levé la main sur moi, mes frères ne peuvent pas en dire autant.
La seconde chose qui me terrifiait ? Le long couloir qui m’amenait jusqu’à la petite chambre du fond. J’étais la première à aller au lit le soir, et traverser ce long tunnel me terrorisait. J’imaginais que des loups ou d’horribles monstres allaient surgir de part et d’autre des chambres pour me terroriser. Vous comprenez maintenant mieux ma peur du noir et ma manie à laisser tout allumer alors que vous me disiez “mais maman, étiens la lumière !”.
Malheureusement, le vrai monstre à l’époque ne se cachait pas dans les chambres, mais dans le corps de mon petit frère, qui est décédé à l’âge de 2 ans. Je n’ai jamais su ce qu’il s’était passé, mes parents étaient peu causants, assez pudiques et ce décès, au lieu de nous rapprocher, nous a éloignés durant quelques années. Avec tout le recul que j’ai aujourd’hui, je peux dire que ce n’est pas la mort qui éloigne les gens, mais le chagrin.
Je ne m’étendrai pas plus sur cette période si lointaine et qui me pince un peu le cœur. Car l'enfance a été une période tellement bénie : pleine de promesses, bercée par le dicton “au jour le jour”. Je crois qu’à l’âge adulte, on manque cruellement de cette béatitude, je l’ai retrouvée il y a maintenant quelques années et je vous encourage mes filles à retrouver dès que possible ce regard émerveillé sur les petites choses de la vie.